L'histoire d'une ID 1961 à conduite à droite, par Nick.

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L'amour de ma famille pour la Citroën DS commence peu après sa présentation en 1955.

Un jour en 55 ou 56, ma mère faisait du shopping à Leeds (Yorkshire) quand elle vit un attroupement de gens. Elle alla voir elle aussi, et c'était elle: la DS, la plus belle voiture du monde.

Elle courut chercher mon père et ils se mirent ensemble à rêver d'avoir un jour un tel véhicule.

 


Le rêve devint réalité en Janvier 1961 quand ils allèrent à Javel chercher leur ID19 Confort, vert mélèze intérieur rouille.

Les circonstances de l'achat sont simples.

Mon père était professeur d'Anglais, et exerçait en tant que civil dans l'armée britannique, sur une base militaire à Düsseldorf, en Allemagne.

L'un des attraits du poste était d'offrir la possibilité d'acheter une voiture sans payer de taxes. La règle du jeu était celle-ci: la voiture devait rester en dehors de l'Angleterre la première année, et ensuite, une fois importée au ROyaume-Uni, elle devait rester en possession de l'acheteur pendant encore deux ans.

Même avec ces contraintes, c'était une excellente affaire, et mon père acheta son ID pour £675 - environ 840 Euro.

La voiture fut commandé à Ken Gibbins, l'agent Citroën pour les forces de l'OTAN. Mon père ne la fit pas livrer, et alla la chercher lui-même à Paris pour le côté "aventurier" de la chose.

A l'usine, on lui demanda d'être là dans la matinée, mais rien ne fut prêt avant la fin d'après-midi, ce qui énerva mon paternel.

Mais on donna à ma mère un bouquet de fleurs, une réplique miniature de la voiture et un foulard, que nous avons toujours.

Et ils se lancèrent dans le trafic parisien en pleine heure de pointe.

 

Mon père avait commandé une voiture à volant à droite pour en profiter quand il serait de retour en Angletere.

Sur cette photo on voit qu'on lui donna le fameux porte-clés "bourbon" qui est aujourd'hui très collectionné.

Le rétro intérieur est un ajout de mon père.

(Dr Danche m'a fait remarquer que la photo illustre bien que la commande de clignotant, restée au milieu des boutons, est différente de celle d'une ID contemporaine à volant à gauche)

Nous avons encore la notice, elle montre un tableau de bord type 1960 et non 61.

 

 

Dans cette notice, c'est un modèle "Luxe" qui est illustré: tapis caoutchouc et sièges skaï sans ajustement du dossier.

Mais je peux affirmer que celle de mon père était une "Confort", avec ses sièges et ses panneaux de portes type DS.

Un peu comme celle-ci, qui est de 1960.

Ceci dit, il y avait des détails export sur cette voiture: trompettes de clignotants type DS, grands enjoliveurs.

Appréciez aussi la plaque d'immatriculation "OZ 61 B", faite à Javel sur une plaque type France.

Ici l'on voit ma mère, Margaret, mon père, Norman, et moi, Nick. J'avais trois ans.

 

La seule photo couleur que nous avons est celle-ci, datant du début des années 60.

A cette époque, la voiture était encore vert mélèze, mais elle fut repeinte en blanc un peu plus tard.

Après Düsseldorf, la vie amèna en 1963 mon père en Gambie (enclave de langue Anglaise dans le Sénégal).

La Gambie n'était pas une région touristique comme aujourd'hui. Beaucoup de gens vivaient dans des huttes en terre, et demandaient parfois à mon père si l'ID pouvait voler, ou bien aller sous l'eau...

 

Après un court retour en Angleterre, mon père emmena l'ID en Lybie, à Tripoli, pour son poste suivant.

La photo ci-contre est prise dans la période blanche de l'ID, dans des ruines romaines lybiennes: Sabrata ou peut-être Leptis Magna, en 1966 ou 67.

 

 

A notre arrivée en 1966, la Lybie était un royaume très pro-occidental. Mais il y eut ensuite un coup d'état, et l'arrivée au pouvoir de Khadafi en 1969 changea radicalement les choses: par exemple, l'alcool fut complètement interdit, ce qui était bien difficile à vivre pour les occidentaux sur place.

Mes parents avaient des amis sur la base aérienne Américaine de "Wheelus". C'était la plus grande base en dehors des USA, de la taille d'une ville, avec des cinemas, des supermarchés, etc.

Là-bas, ils vendaient de l'alcool, alors mon père se lança dans le trafic: il retirait les panneaux de portes et remplissait l'espace avec de la bière.

Il retira aussi la boite à gants pour y mettre du whisky, et même, le jour de l'anniversaire de ma mère, il mit deux bouteilles de Champagne dans les phares.

Mes parents furent un jour arrêtés par des soldats, qui demandèrent s'ils avaient de l'alcool. Ils répondirent "Non" bien sûr.

L'alcool ainsi importé était bu sur la plage ou dans des soirées. Nous avons même un petit film montrant l'ID en train d'être vidée de son chargement illicite.

 

Quand nous quittâmes la Lybie, la voiture passa par Tunis, traversa pour Marseille, et rentra vers l'Angleterre.

A mes 17 ans, mon père m'offrit la voiture, mais elle avait son histoire derrière elle, et je suis désolé de dire qu'elle fut ferraillée au milieu des années 70.

Dans les papiers de mon père, il y aussi un tarif de Ken Gibbins d'Octobre 1965 et une notice, preuve que mon père envisagea d'en acheter une nouvelle à cette époque.

Mais ça ne se fit pas.

 

Une histoire vraiment unique qui donnera des frissons aux nostalgiques des époques révolues.
Un immense merci à Nick et ses parents, dont voici une photo de nos jours.
Docteur Danche.